Savoie : excursion dans les vallées des montagnes

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Anonim
  • Village de Hauteluce

    Sous leur manteau de neige, tous les bourgs de montagne se ressemblent. Pourtant chacun possède ses caractères architecturaux. Ici, le village de Hauteluce (Beaufortain). Constitué de chalets, où le bois domine, et de quelques grosses demeures villageoises, il se déploie le long d’une rue principale. Sur le versant qui lui fait face, les chalets isolés foisonnent. Photo G. Lansard

  • Les principaux matériaux : le bois et la pierre

    Le bois et la pierre sont les deux principaux matériaux offerts par le milieu montagnard. Leur proportion dans l'habitat reflète la part que chacun occupe respectivement dans le paysage environnant. Ainsi le bois l'emporte-t-il dans le Beaufortain, couvert de forêts d'épicéa, tandis que la pierre s'impose là où le minéral domine, comme à Bonneval-sur-Arc, en haute Maurienne. Photo G. Lansard

  • Une « montagnette »

    Ce chalet d'alpage, appelé « montagnette », reprend les principes de construction en oeuvre dans les villages de la vallée. En mur maçonné, couvert de lauzes et surmonté d’une haute cheminée, il ne comporte que très peu de bois. Si les éleveurs beaufortains possédaient jusqu'à dix « remues », les Tarins et les Mauriennais ne possédaient souvent qu'une « montagnette ».

  • Le stock de bois pour l’hiver

    Destinées à chauffer la maison durant tout l’hiver, les réserves de bois apparaissent artistiquement stockées le long des chalets. Autrefois adossées uniquement aux murs de soubassement en pierre, dont elles étaient séparées par une lame d’air, elles participaient à l’isolation de la maison, comme les importantes quantités de foin engrangées.

  • Les greniers indépendants

    Des petits greniers indépendants se dressent à proximité des fermes. Les familles y renfermaient leurs possessions de valeurs : graines pour les futures semences et costumes de fête dans la partie haute ventilée en bois ; provisions de bouche dans la partie basse plus fraîche et humide.

  • Une forte présence du bois

    Le bois est très présent aussi dans les intérieurs, habillant les murs, les sols ou les plafonds. La récupération de vieux bois est une pratique courante pour les chantiers de rénovation et il n’est pas rare de trouver d’anciennes mangeoires recyclées en garde-corps d’escalier. Ce dernier était autrefois absent des intérieurs, la circulation entre les différents niveaux de la maison se faisant par l’extérieur.

  • Les fermes chalets du Beaufortain

    Bien assises dans la pente, les fermes chalets du Beaufortain présentent plusieurs entrées de plain-pied. Celles situées à l’amont permettent un accès aisé à la grange.Leurs importants débords de toiture protègent la circulation entre ces différentes ouvertures. Photo © L. Fleury

  • Les villages et hameaux du Beaufortain

    Les villages et hameaux du Beaufortain s’étirent le long d’un ou deux axes de communication qui peuvent être perpendiculaires ou parallèles à la pente. Ce hameau classé depuis 1943, le Boudin, rassemble de superbes chalets traditionnels, étagés entre 1230 et 1380 mètres d’altitude.

  • Ferme typique du Beaufortain

    La ferme typique du Beaufortain présente un soubassement en pierres enduites et une partie haute en bois constituée d’un empilage de madriers. La partie en pierre du premier étage renferme l’habitation ; celle en bois qui la jouxte, la grange. Plus la partie habitation est grande, plus elle révèle le bien-être de ses propriétaires. Photo © J.-L. Fourtanier

  • Façade traditionnelle

    Les façades des fermes traditionnelles affichent un grand nombre de balcons en bois. Ils s’étirent le long des granges, protégés de quelques sobres montants en bois. Dotés d’une vocation agricole, ces « solarets » sont utilisés pour le séchage des foins et le mûrissement des légumes.

  • L’habitat en Tarentaise

    L’habitat en Tarentaise est de type groupé. Les maisons se massent autour du four à pain, d’une église, séparées par d’étroites ruelles escarpées, comme ici au hameau des Béranger, rattaché à la commune de Saint-Martin-de-Belleville

  • Ferme de haute Tarentaise

    Cette ancienne ferme restaurée de haute Tarentaise présente une architecture essentiellement minérale, jusqu’à son balcon maçonné, pourvu d’un garde-corps en fer forgé. Inscrite dans la pente, elle offrait autrefois une entrée en amont pour la grange, une entrée en aval pour l’étable et l’habitation.

  • Ferme massive en pierre

    Typique de la vallée des Belleville, cet ensemble restauré s’organise autour d’une ferme massive en pierre apparente. Soutenue par de solides contreforts en pierre, l’étroite maison enduite de « grilla » servait d’habitation d’été. Le petit cabanon enduit abritait des toilettes extérieures ; la construction basse en pierre apparente, qui lui
    fait face, une porcherie.

  • Maison typique du Piémont italien

    Les colonnes maçonnées de cette maison soutiennent une avancée de toit qui abrite l’entrée, une petite cour et un balcon séchoir. Les poutres du balcon prennent appui sur ces colonnes ou les traversent tout bonnement. Très courantes dans le Piémont italien, ces maisons à colonnes se rencontrent en Tarentaise, entre Bourg-Saint-Maurice et Sainte-Foy-Tarentaise. Photo © A Royer - OT Sainte-Foy

  • Bonneval-sur-Arc

    Seul village de haute Maurienne épargné par les destructions allemandes en 1944, Bonneval-sur-Arc conserve une architecture typique des hautes vallées montagnardes. Ses vieilles maisons en pierre, basses et compactes, se fondent harmonieusement dans le paysage minéral.

  • Pierres massives et toit de lauzes

    Construits en pierres massives, les murs de cette maison portent une épaisse toiture de lauzes faiblement inclinée. La neige qui s’y accumule contribue à isoler l’intérieur. Le bois apparaît à peine, utilisé pour la porte et son linteau, ainsi que pour un chaînage de poutres qui fait le tour de la maison.

  • Maison à jambage

    Située à Jarrier, cette maison conserve l’architecture à jambage typique de cette commune. Accolées à ses murs et calées sur d’épaisses pierres plates, les poutres supportent la charpente. En cas de glissement de terrain, phénomène courant sur ce territoire, les poutres peuvent être redressées.

  • Un balcon dénudé

    Les balcons dénudés de haute Maurienne portent des empilements de « grebons », agglomérats de bouses de moutons et paille qui, une fois séchés, servaient autrefois à alimenter les poêles.

Déployées de part et d’autre du parc naturel de la Vanoise, les vallées du Beaufortain, de Tarentaise et de Maurienne partagent une culture alpine vivante et des contraintes montagnardes fortes. Cependant, derrière l’apparente uniformité de leur manteau neigeux, chacune possède ses spécificités économiques et ses singularités architecturales.

De la verte vallée du Beaufortain aux sommets pierreux de haute Maurienne, la Savoie recèle une grande variété de paysages, de ressources et de climats, à laquelle répond une véritable diversité du bâti. Dans chaque village, chaque hameau, les hommes ont édifié leurs demeures en puisant leurs matériaux dans les ressources naturelles locales, en forgeant des techniques adaptées à la pente et au sol sur lesquels ils devaient construire ; chalets en bois du Beaufortain, maisons à colonnes en Tarentaise, maisons à jambage en Maurienne. L’isolement et les rivalités ont achevé de singulariser leurs solutions, dans ce pays où le nombre de patois avoisinait autrefois celui des villages.

Le Beaufortain, le pays des mille chalets

Dressé au débouché de la combe de Savoie et du val d’Arly, le Beaufortain s’inscrit géographiquement dans les Alpes du Nord. Sa situation aux pieds du Mont-Blanc lui vaut des précipitations deux fois supérieures à la moyenne nationale. Un arrosement naturel, conjugué à un bon ensoleillement et à une altitude moyenne de 1600 mètres lui assurent une grande richesse forestière. Sur les quelque 27000 hectares de son territoire, environ 8500 sont occupés par la forêt.

Lorsque celle-ci s’efface, c’est pour céder la place à de vastes alpages ou à de grasses prairies. Ces ressources naturelles ont très tôt conditionné le développement économique du Beaufortain, dont les habitants vivent aujourd’hui encore largement de l’agriculture et de l’exploitation forestière.

Un territoire préservé

L’industrie et le tourisme n’ont fait là qu’une entrée discrète. Une seule station, créée de toutes pièces autour du concept du ski, est apparue dans le massif, Les Saisies.

Très préservés, le paysage et l’habitat demeurent ici étroitement liés aux activités traditionnelles. Parallèlement, les hommes perpétuent les modes de construction mis au point par leurs ancêtres lesquels ont implanté leurs villages au fond des vallées mais ont, dans le même temps, disséminé leurs constructions dans l’ensemble du massif.

Les hameaux situés sur les coteaux les mieux exposés et les nombreux chalets d’alpage dispersés sur les pentes hautes marquent le paysage de leur foisonnement. Leur abondance résulte d’un nomadisme agricole saisonnier, caractérisé par le déplacement régulier des troupeaux durant toute la période d’estive. Certains éleveurs possèdent aujourd’hui encore jusqu’à dix de ces habitations temporaires, appelées « remues », qui permettent d’offrir à leurs vaches une herbe toujours à maturité, et une progression graduelle vers les sommets.

Des maisons aux couleurs du terroir

Trois éléments majeurs se sont combinés pour conditionner l’habitat dans le Beaufortain : la pente montagneuse, les matériaux disponibles et la fonction agricole. Cette combinaison a donné naissance à un bâti original de chalets, dont les spécificités résident surtout dans l’association du bois et de la pierre, et une étonnante complicité avec la déclivité.

Une remarquable intégration à la pente

Simples et trapues, généralement plus longues que larges, ces constructions présentent un faîtage souvent parallèle à la pente. D’un point de vue technique, cette orientation permet d’utiliser la gravité terrestre pour aider aux portages et à l’évacuation naturelle des eaux. En pratique, elle favorise la création de plusieurs niveaux de plain-pied : des ouvertures en amont desservent la grange et facilitent ainsi le stockage du foin, tandis que des ouvertures en aval donnent accès à l’étable et à l’habitation.Cette dernière peut aussi offrir une autre ouverture sur le pignon.

La toiture qui coiffe l’ensemble présente une inclinaison étudiée en fonction de l’exposition au vent et à la neige. Toujours à deux pans, elle déborde largement pour abriter les différentes entrées et les balcons qui courent le long des façades.

Sa couverture était autrefois faite d’ancelles ou de tavaillons, lamelles en épicéa simplement posées sur la toiture puis calées par des pierres. L’entretien relativement lourd de ces toitures (les ancelles doivent être déplacées chaque année) a entraîné leur progressive disparition au profit du bac acier, du bardeau canadien, ou encore des Polytuiles.

Reconnu pour ses qualités esthétiques, le bâti traditionnel jouit cependant d’un bon entretien. Les anciennes fermes et granges font l’objet de belles restaurations et trouvent une seconde vie en habitation principale ou en résidence secondaire.

La Tarentaise, une vallée de pierre

Étirée sur un peu plus de 70 km, la vallée de la Tarentaise n’offre pas la remarquable homogénéité du Beaufortain. Son territoire est marqué par une succession de couloirs étroits et encaissés, entrecoupés de gorges, cuvettes, dégagements et de vallées transversales que dominent de très hauts sommets escarpés.

Son sous-sol apparaît également plus divers que celui du Beaufortain : on y trouve des schistes, des granites, des quartzites, du gypse, de la lauze, du tuf ou encore du marbre. Cette abondance de pierres se lit dans le patrimoine bâti. La pierre prédomine sur le bois, dans des proportions qui fluctuent toutefois avec l’altitude.

Une architecture minérale

Hautes et massives, surmontées de toitures couvertes en lauzes de schiste, les maisons présentent d’épais murs maçonnés, autrefois élevés en blocs de pierre irréguliers, arrachés aux pentes montagneuses par les éboulis. Leur assemblage grossier était renforcé par un enduit au plâtre très résistant, la « grilla », qui les protégeait du froid, de l’humidité et des infiltrations. Obtenu par une longue cuisson de gypse, cet enduit présente une teinte rose agréable qui singularise fortement l’architecture locale, notamment dans la vallée des Belleville.

Le bois, rare en haute altitude, est réservé à la charpente, aux portes et aux volets. Les rares balcons sont le plus souvent munis de garde-corps en fer forgé. Cette pénurie de bois eut une autre incidence forte sur l’habitat tarin : elle contraignit les hommes à partager leur logis avec les animaux pour profiter de leur chaleur. À ce titre, elle organisa la distribution de leurs demeures.

Les rez-de-chaussée, souvent semi-enterrés, accueillaient bêtes et hommes, dont les espaces respectifs étaient délimités par un muret qui s’élevait à un bon mètre de hauteur. Au cours des années soixante, ce muret fut remplacé par une vraie cloison. Cette vaste pièce n’était pas habillée de bois mais de pierres enduites à la chaux, et surmontée de voûtes en berceau.

Au-dessus, sous toiture, se déployait le vaste volume de la grange à foin faisant fonction d’isolant. Accolée à cette ferme, les familles aisées possédaient une maison d’été, étroite et plus soignée, notamment dans ses enduits, décorés parfois. En descendant la vallée, les forêts se font plus présentes, et le bois plus courant dans les constructions. Séparés par sept kilomètres, Saint-Martin-de-Belleville (1450 mètres) et Saint-Jean-de-Belleville (1140 mètres) offrent un bel exemple de cette transition.

La Maurienne, un habitat tout minéral

Avec ses 127 km, c’est la plus longue des vallées intra-alpines. Elle décrit une large courbe au fond de laquelle s’écoule la rivière de l’Arc, depuis les sommets glacés qui dominent Bonneval-sur-Arc jusqu’à sa confluence avec l’Isère au Pont Royal.

Sa physionomie tantôt large, tantôt étroite résulte de sa complexité géologique et de l’érosion sélective des glaciers. Comme en Tarentaise, les hommes ont trouvé ici une réserve inépuisable de pierres variées, chacune aux qualités spécifiques : certaines taillables comme les calcaires, d’autres débitables comme la lauze, ou d’autres encore transformables comme le gypse qui, une fois cuit, fournit le plâtre. Ainsi, la pierre était-elle appelée, là encore, à devenir le principal matériau de construction.

Sobriété du bâti

Les murs des maisons s’élèvent en pierre sur toute leur hauteur, coiffés par de lourdes toitures de lauzes. Ici le bois n’est utilisé que pour les charpentes, et ponctuellement pour quelques linteaux de portes et de fenêtres. L’épicéa et le mélèze sont les deux essences les plus couramment utilisées; l’épicéa étant cependant plus apprécié pour ses qualités de solidité et de souplesse.

Parallèlement, ces hommes ont dû s’adapter à une importante contrainte climatique : la violence des vents, le foehn et la lombarde, qui soufflent ici en toutes saisons. Ils ont donc construit leurs maisons basses, partiellement enterrées, sans débord de toiture. Compactes et d’une grande minéralité, elles se fondent de façon remarquable dans le paysage. Faiblement pentus (cela va de soi !), les toits de lauzes maintiennent la neige, qui participe ainsi à l’isolation du logis.

Afin de lutter contre les infiltrations d’air, les anciens prirent également l’habitude d’enduire à la chaux les murs des parties habitées. Les granges en pierre sèche profitaient à l’inverse de cette ventilation naturelle. La moyenne Maurienne apparaît moins marquée par la pénurie de bois. Les rez-de-chaussée en pierre sont parfois surmontés de granges en bois, et les balcons profitent aussi de ce matériau.

Pour le reste, les maisons présentent les mêmes caractéristiques qu’en haute Maurienne. Toutefois, certains bourgs affectent des spécificités notables : toits très pentus car autrefois couverts de chaume, pignons de grange en aulnes tressés, garde-corps coloré sur le versant du soleil, autant de singularités nées de la « cueillette » localisée des matériaux et de la variété des contraintes montagnardes.